L’INTELLIGENCE MUSICALE Editions Marc Reift
L’INTELLIGENCE MUSICALE Editions Marc Reift
-L’intelligence musicale
parue dans la Lettre d’information N°101, mars 2016, de L’ÉDUCATION MUSICALE (Paris, Beauchesne), p. 65-6.
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Colette MOUREY : L’intelligence musicale. 1 vol Crans-Montana (Suisse), Éditions Marc Reift (www.reift.ch). (EMR 18752), 58 p. + Catalogue de la Collection C. Mourey (3 p.)
Partant du point de vue que l’intelligence musicale est « doublement rationnelle et intuitive » et que « l’audition est à la fois de caractère subjectif et objectif », ColetteMourey, musicologue, enseignante et guitariste, constate que la musique, « proche de l’intelligence linguistique mais aussi de l’esprit scientifique » (p. 54) nécessite une attention « aiguisée, forgée par la volonté » et devant être longuement soutenue.
À l’aide d’exemples musicaux pertinents, de nombreux schémas, d’extraits de partitions et de diagrammes — tout en rappelant que la pensée musicale est abstraite et sollicite l’écoute corporelle globale et que les émotions sont associées à l’intelligence —, l’auteur distingue trois types.
Premièrement
l’intelligence rythmique est le fondement des cultures orales (cf. danses primitives, métrique binaire et ternaire aboutissant à l’« a-métrie » dans la musique contemporaine. Elle est tributaire des effets vibratoires et des niveaux de pulsation (battements du cœur, algorithmes), du bipartisme (ouvert/clos) et du tripartisme (A B A’), la musique possède un « potentiel de libération » (p. 27).
Deuxièmement
se greffant sur l’intelligence rythmique, l’intelligence mélodique a besoin d’échelles musicales (ou modes).
Dans le cas de l’improvisation, le musicien exploite des motifs, peut les orner mais doit respecter l’architecture du mode. Dans le cas de la musique écrite, le compositeur choisit son échelle que l’interprète devra reconnaître.
L’auteur rappelle l’évolution historique : modalité et modes d’Église au Moyen Âge ; modalisme (majeur/mineur) entre 1750 et 1820 ; élargissement aboutissant à la polytonalité, à l’atonalité et au dodécaphonisme depuis la fin du XIXe siècle. La hiérarchisation des degrés, le choix des registres (grave, médium, aigu) contribuent à l’expressivité et aux effets de tension à travers la structure de la phrase musicale (exposition, transition, développement) ; elle peut être stable ou modulante.
Troisièmement
l’intelligence harmonique, connaissant un développement assez complexe dans la musique occidentale, est une « combinatoire scientifique » entre harmonie et contrepoint, faisant appel à une voix principale et des contrechants, alors que l’harmonie — tout en tenant compte de la mélodie — peut exploiter des basses fonctionnelles et des accords arpégés. L’orchestration fournit les coloris et les timbres. L’audition et la perception polyphonique sollicitent la pensée, l’émotion, le geste et exigent une concentration soutenue.
La perception, à la fois conceptuelle et analytique, deviendra écoute, appellera la discrimination, aboutira à la découverte du monde et incitera à un retour sur soi.
Telles sont — allant pour l’essentiel au plus près des propres termes et définitions de l’auteur — les principales orientations de cette publication, résultant d’une vaste expérience, d’un solide sens de l’observation et de la discussion. Colette Mourey s’appuie en partie sur les travaux de Howard Gardner (1983) à propos des intelligences multiples. Elle a le mérite de prolonger les théories de la perception lancées vers 1960 par Robert Francès, puis Michel Imberty, Arlette Zenatti… et démontre à quel point ces trois types d’intelligence musicale associés à une perception volontariste sont complémentaires et imbriqués. En fait, cette publication des Éditions Marc Reift n’est qu’un commencement, et l’auteur annonce d’autres parutions (chez Delatour France). À suivre.
Édith Weber.